Sparte ou Athènes ? Où va la transition écologique en janvier 2025 ?

Analyse des actualités durables de janvier 2025 : enjeux climatiques, politiques et défis écologiques.
Patrick d'Humières, Cofondateur EcoLearn
Patrick d’Humières
Patrick d’Humières, cofondateur d'EcoLearn, décrypte chaque mois pour vous les actualités dans le secteur du développement durable.
6 min. lecture

Nous savons et nous ne faisons rien

Une société éclairée mais immobile

Dans son livre Une société désirable : Comment prendre soin du monde , Dominique Meda fait un travail pédagogique lumineux pour nous aider à reconsidérer les débats actuels de nos sociétés les plus compliqués – travail, emploi, climat, revenus…

À travers une analyse historique, elle replace la recherche de solutions dans une chaîne d’études, d’expériences et d’acquis qui devraient nous conduire à plus de maîtrise. Or il n’en est rien car l’humanité semble ne jamais tirer les leçons des échecs précédents et ne jamais vouloir anticiper les risques des phénomènes qui l’accaparent. Remettons en perspective le chaos qui avance…

Le paradoxe des connaissances climatiques

Nous savons tout ou presque sur le climat et pourtant nous n’en tirons pas de leçon efficace sur le plan des comportements, à voir la légèreté des programmes d’adaptation. Les californiens savaient ce qui les attendaient mais ils ont préféré « jouer avec le feu ». Nous connaissons bien les risques d’inondation, d’épuisement des sols et d’assèchement des forêts mais nous attendons une sorte de Godot providentiel qui prendrait en main d’un coup de baguette la revitalisation d’une nature épuisée.

La problématique est claire : ce sont nos comportements individuels et collectifs qui sont en cause, et derrière nos valeurs du moment, plus que les techniques, plus que la géographie ou les lois de la physique. Ce sur quoi l’économiste Mathieu Glachant nous met en garde dans son nouveau livre sur l’insuffisance de nos programmes d’adaptation « pour faire avec la chaleur qui s’installe inexorablement ».

Prenons acte du réchauffement et organisons-nous, il est temps, cessons de gloser et planifions mieux…

Forer mais pas "for ever"

Face à ce défi schizophrénique, voilà qu’intervient le revirement américain. Le pari fou de « forer, forer, forer » (« Drill, Baby, Drill » Donald Trump lors de plusieurs de ces derniers discours, Janvier 2025) pour faire baisser les prix de l’énergie fossile. Ça n’est pas simplement un acte stratégique démoniaque au regard de la planète : il traduit l’entêtement d’une société qui veut aller au bout de son égotisme obsessionnel en se mentant à elle-même sur les limites de la situation. « America First » (Slogan de Donald Trump) n’est qu’un slogan simpliste contre toute solidarité humaine qui fut pourtant l’inspiration originelle des Pères pèlerins (en anglais : « Pilgrim fathers »).

La question du réchauffement terrestre reste toujours une question philosophique d’acceptation ou non des faits observés, appelant à revoir nos modes de vie : hubris contre sobriété, croissance contre besoins, redistribution contre gain individuel etc… C’est là que l’expérience historique européenne retrouve son sens, pour se rappeler que l’espèce humaine est solidaire dans son rapport à l’univers et que notre conscience doit nous conduire à en tirer des leçons pour nous-mêmes et pas contre les autres.

Mais la réponse se trouve à l’opposé d’une volonté impériale répondant à une autre volonté impériale. N’oublions jamais que l’Europe impériale a mal fini, comme tous les empires dans l’histoire. Mais cet avertissement ne sert à rien car l’Amérique de Trump est celle de la National Rifle Association of America (dit la NRA, organisation américaine qui défend les droits des citoyens à posséder et porter des armes, en vertu du deuxième amendement de la Constitution des États-Unis) et pas celle de l’Armée du Salut… Puisse la démocratie américaine s’auto-réguler ?

Un mauvais moment à passer pour la planète

Les études d’opinion récentes (comme celle d’Obscop) sur le rapport aux enjeux planétaires affichent une angoisse des jeunes qui se démobilisent. La faute aux dirigeants, aux parents ? Comment en vouloir au « petit blanc déclassé » du Mississipi, au fermier beauceron dont le revenu monte avec la sécheresse au Maghreb, ou à l’employé de Volkswagen qui n’a pas envie de se reconvertir à la voiture électrique ? Pas coupables et pas responsables !

Et pourtant c’est bien sur les ménages et « les agents économiques », comme on dit, que repose la transition du système qui se fera à la base ou ne se fera pas. En fait, nous agissons sur des cycles d’une à deux générations au maximum avec une sorte de fatalité qui veut tout ignorer de ce qui attend nos enfants, en appliquant la seule religion de notre époque « après moi le déluge ».

Alors, si nous prenons conscience que la société de consommation mène à une impasse, n’oublions pas que les africains et les asiatiques ne pensent pas comme nous et tirons-en les conséquences pour nous-mêmes. Et d’abord dans nos entreprises qui incarnent notre promesse. C’est un débat auquel nous n’allons pas échapper pour « sauver la RSE » d’une offensive radicale qui veut en finir avec une « économie sociale de marché régulée » qui ne plaît plus aux plus pauvres, aux plus riches, aux classes moyennes, personne n’y trouvant vraiment son compte…

Changer les rêves pour changer la réalité

Une utopie à construire

Faute de vouloir faire, rêvons autrement, pourrait-on dire ! Créons un autre imaginaire, comme s’y essaie le WWF qui lance à ce sujet une intéressante campagne. Dison aux « masses » qu’elles seront plus heureuses avec moins comme le radicalisme écologique s’y obstine à ses risques périls. Le mirage d’une société du partage, de la réutilisation et de la circularité réussies, d’une solidarité planétaire a tout son sens mais on reste là dans « un bien de croyance » qui marche en Ardèche mais pas dans le 16ème arrondissement de Paris.

Alors que les grandes puissances planétaire rivalisent en matière d’épuisement des ressources et font le choix de servir une oligarchie obèse et cynique qui confond le monde avec « son monde », est-ce réaliste de rêver autrement ?

Entre idéalisme et réalisme

Qui a parlé d’atteindre les objectifs d’un développement plus durable en 2030 ? Le Bouthan ou les Nations-Unies ? Réponse les Nations-Unies à l’issue de Sommets de la Terre qui ont donné le vertige à toutes les vigies lucides. Les diagnostics n’ont cessé de s’aggraver depuis. Toutes les grandes entreprises qui promettent un modèle durable et la neutralité carbone dans leurs rapports financiers depuis dix ans nous auraient-elles menti ?

La panique rend aveugle et conduit au mensonge, d’autant que la première économie du monde a choisi le déni. Et qu’on sait qu’à la fin c’est Sparte qui gagne contre Athènes dont les finesses culturelles n’auront pas éloigné les élans mortifères de ses voisins ni conjuré les menaces qu’on voyait venir…

Au secours, l’Europe ?

Reprenons nos esprits puisque c’est tout ce qui nous reste au fond. Le peu d’humanité qui fait encore l’honneur de l’Europe doit nous inspirer un sursaut immédiat : tenons-bon le cap et prouvons qu’on peut allier durabilité et prospérité responsable, durabilité et démocratie véritable, en assumant de reprendre de la souverainetés avec quelques points en moins de pouvoir d’achat, mais de garder nos forêts et de préférer la dignité à la vanité.

Car si nous ne montrons pas l’exemple, on n’a rien plus rien à dire et à prouver au monde. On n’a surtout plus rien à dire aux jeunes générations et on les condamne à suivre les jeux d’hiver dans les sables d’Arabie Saoudite et à remplacer nos bibliothèques par les insanités de X.

L’entreprise elle-même, cette organisation qu’on a cru dotée d’une raison d’être ne serait plus qu’un jeu de casino aux mains d’oligarques starisés. Les temps sont rudes pour l’humanité…

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