Une rentrée sous tensions
Le mois de septembre 2024 est marqué par un attentisme généralisé en raison des élections américaines à venir, qui pourraient redéfinir la régulation climatique. Ces enjeux s’inscrivent dans un cadre plus large, marqué par les prochaines COP, notamment la COP 29 à Bakou, où se profile un bras de fer entre l’Occident et les BRICS. Cette configuration internationale fait craindre un recul des avancées obtenues dans le cadre multilatéral, en particulier sur le climat.
Dans ce contexte, les entreprises sont prises entre deux tendances opposées : d’un côté, une dérégulation progressive, motivée par des impératifs de compétitivité économique, et de l’autre, des besoins croissants de régulation. La dérégulation aux États-Unis, notamment la remise en cause de l’accord de l’OCDE sur la fiscalité, accentue ces contradictions. Cette situation crée une tension palpable entre les impératifs économiques à court terme et les exigences de durabilité à long terme.
Une fracture croissante entre compétitivité et régulation
L’Union européenne se retrouve également en pleine tourmente, cherchant à concilier compétitivité économique et ambitions du Green Deal. Alors que la nouvelle Commission européenne tente de maintenir le cap sur la durabilité, des facteurs économiques viennent atténuer les avancées réalisées. Une intervention de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) demande même à l’Union européenne de revoir ses régulations sur la déforestation. Par ailleurs, les États-Unis semblent détricoter les avancées multilatérales, ce qui renforce les pressions exercées sur l’Europe.
Des signaux d’alerte géopolitiques et environnementaux
L’année 2024 est également marquée par des catastrophes climatiques majeures, des incendies dévastant la Californie, le Portugal, et l’Amazonie, confirmant que le réchauffement climatique ne peut plus être ignoré. Les tensions géopolitiques s’aggravent également, avec une Russie qui s’impose dans un rôle de perturbateur des efforts climatiques mondiaux. Un défi majeur reste aussi la gestion du méthane, tandis que les pays émergents comme Grenade demandent une réévaluation des dettes climatiques face aux institutions financières internationales, soulignant l’urgence d’une action plus coordonnée et responsable.
L’analyse du contexte international par Nils Pedersen
La rentrée 2024 se déroule dans un contexte international fragmenté, marqué par une dégradation continue des relations géopolitiques. Le Pacte Mondial de l’ONU, lancé en 1999, avait pour but d’engager les entreprises dans les grands enjeux internationaux. Cependant, le monde d’aujourd’hui est profondément divisé, avec des conflits majeurs en Ukraine, au Moyen-Orient et au Soudan, renforçant l’instabilité mondiale.
Les Objectifs de Développement Durable (ODD), fixés pour 2030, progressent lentement, seulement 17 % ayant été atteints. Cette situation souligne l’ampleur des efforts encore nécessaires pour répondre aux enjeux globaux. Toutefois, le cadre offert par l’agenda 2030 reste un pilier important pour les politiques publiques internationales. Il sert de grille de lecture commune permettant de coordonner les efforts pour la réduction des gaz à effet de serre et la protection de la biodiversité, bien que des divergences persistent entre les différents agendas nationaux.
La transformation des entreprises face à la crise
Les entreprises se trouvent aujourd’hui dans une position délicate, entre un débat public polarisé et la nécessité d’agir. Aux États-Unis, les controverses autour des concepts comme l’ESG créent des frictions, mais cela n’empêche pas les entreprises de continuer à opérer. Face à la résistance politique, en particulier dans certains États, les entreprises adoptent un discours plus discret, remplaçant des termes comme « décarbonation » par « transformation » ou « innovation », tout en poursuivant leurs actions pour répondre aux exigences climatiques.
Des secteurs entiers se heurtent néanmoins à des contraintes techniques. Par exemple, la traçabilité dans l’industrie du caoutchouc ou du cacao pose des défis importants. Malgré ces obstacles, des efforts concertés entre acteurs privés, ONG et organismes internationaux continuent de faire avancer ces dossiers. Les résultats ne sont pas encore visibles à grande échelle, mais une volonté claire de coopération pour surmonter ces difficultés émerge.
Les réflexions économiques et géopolitiques d’Éric Le Boucher
Les espoirs placés dans un capitalisme plus responsable et inclusif semblent s’effriter. Un retour en force du capitalisme financier, moins régulé et plus agressif, se fait ressentir, notamment aux États-Unis. L’opposition farouche à l’ESG, particulièrement du côté du Parti républicain, illustre cette contre-révolution. Ce mouvement remet en cause les avancées progressistes en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Cependant, malgré ce retour en arrière sur le plan politique, certaines avancées sont notables dans le domaine environnemental. De nombreuses entreprises, même dans des États conservateurs comme le Texas, reconnaissent la nécessité de se décarboner et investissent massivement dans les énergies renouvelables. La prise de conscience face aux enjeux climatiques progresse, même si elle se heurte encore à des résistances économiques et politiques.
Enjeux Sociaux et Technologiques
Sur le plan social, les augmentations salariales constatées dans certains pays, notamment en raison du plein emploi aux États-Unis, masquent une réalité plus complexe. La technologie continue de favoriser la substitution du travail humain par des machines, limitant ainsi les gains réels pour les salariés. Le défi reste de taille pour réinventer des technologies qui seraient au service des travailleurs, plutôt que de les remplacer.
Quant à la gouvernance des entreprises, le progrès semble plus difficile à obtenir. Les tensions géopolitiques et la fragmentation des relations internationales freinent les avancées. L’Europe, elle aussi, peine à faire avancer son modèle économique basé sur la durabilité, confrontée à des critiques croissantes sur les coûts et la complexité des régulations, comme en témoigne la controverse autour de la CSRD. L’avenir du modèle européen reste incertain, dépendant en grande partie de la capacité des gouvernements à concilier compétitivité économique et transition durable.
Une rentrée nuancée
Le webinaire d’actualité durable de septembre 2024 a dressé un bilan nuancé des défis mondiaux auxquels font face les entreprises, les gouvernements et la société civile. Si les tensions géopolitiques et économiques freinent certaines avancées, la nécessité d’agir pour le climat et la durabilité reste au cœur des priorités. Les entreprises, bien que prises dans un contexte incertain, continuent de transformer leurs modèles pour intégrer ces enjeux, en dépit des résistances politiques et économiques. La coopération internationale, bien que fragilisée, reste cruciale pour avancer vers un avenir plus durable.