Enjeux Ecologiques et Sociaux du Développement Durable :
Sortir du Climatocentrisme
Une vision à 360° des enjeux qui vont au-delà de la problématique Climat
À propos de cette table ronde
Élargir le Spectre Environnemental : Au-delà du Climatocentrisme pour une approche globale de la Durabilité
Le climatocentrisme domine le débat environnemental, éclipsant d’autres crises écologiques et sociales urgentes. Cette table ronde a confronté cette réalité, discutant comment intégrer des enjeux variés comme les inégalités sociales, la biodiversité, les droits humains, et la gestion des ressources. Experts et dirigeants d’entreprises ont exposé les défis de cette approche holistique et proposé des stratégies pour une vision durable et intégrée.
(Re)Vivez la table ronde “Sortir du climatocentrisme”
[Article] Pourquoi l’entreprise doit aller au-delà de l’enjeu climat pour adopter une approche holistique de la durabilité ?
Sommaire
Vers une véritable transformation durable de l’entreprise
Les risques d’un focus exclusif sur le climat
Un besoin d’échanges à tous les niveaux
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Les intervenants de cette table ronde
Catherine Puiseux Kakpo
Formatrice et Consultante
Partenaire d’EcoLearn
David Laurent
Directeur Transformation Ecologique
EPE, Entreprise pour l’Environnement
Emilie Alberola
Managing Director
EcoAct France
Matthieu Riché
Directeur de l’Engagement et de la RSE
Groupe Casino
Retour sur cette Table Ronde
Par Dominique Pialot
Si le climat a nettement progressé à l’agenda des dirigeants ces dernières années, se restreindre à ce sujet serait un handicap pour entamer une véritable transformation durable de l’entreprise.
C’est ce dont ont débattu lors des Journées Portes Ouvertes d’EcoLearn, le 9 janvier dernier, Émilie Alberola (Directrice générale d’EcoAct pour l’Europe du Sud), David Laurent, (Directeur Transformation écologique chez Entreprises pour l’Environnement (EpE), Catherine Puiseux (consultante et ancienne directrice RSE), et Matthieu Riché (Directeur de l’engagement et de la RSE du groupe Casino – Membre du Comité Exécutif).
Parmi les nombreux sujets que recouvre la transformation durable d’une entreprise, le sujet du climat est sans conteste celui qui a atteint la plus grande maturité, non seulement sur le plan scientifique, mais également dans la façon dont il est géré dans l’entreprise, y compris du point de vue du management. Pour autant, « bien comprendre l’impact climatique recèle encore une certaine complexité, notamment sur l’évaluation du Scope 3 », observe Matthieu Riché.
Comme le démontre la science, et comme aident à le comprendre les grilles de lecture transversales nées à la faveur des événements géopolitiques de ces derniers mois (enjeux de souveraineté, disponibilité de certaines matières premières, etc.), de nombreuses interactions et imbrications existent entre le climat et les autres volets d’une transition durable. Elles sont d’ailleurs bien illustrées au travers des limites planétaires définies par le Stockholm Resilience Center (SRC) ou du concept du donut élaboré par l’économiste Kate Raworth.
Pour autant, « un plan climat ne peut pas être uniquement un plan climat », affirme David Laurent, tout en reconnaissant que « le climat peut-être un bon cheval de Troie pour mettre le pied à l’étrier en vue d’une transition plus globale. ». « Un focus exclusivement climat ne permet pas de faire une bonne transition écologique » renchérit Émilie Alberola, à la tête d’un cabinet de conseil spécialisé depuis 15 ans sur ce sujet. On ne pourra pas mener de front plusieurs transitions, et celle qu’il nous faut mener, c’est une transition écologique. »
Néanmoins, si tous reconnaissent la multiplicité des enjeux et leur imbrication, l’entreprise est contrainte de choisir un sujet par lequel entamer sa transformation. Et pour ce faire, elle n’a d’autre choix que de « resserrer et séparer les sujets, de les traiter les uns après les autres, quitte à établir au fur et à mesure des liens de plus en plus évidents », témoigne Matthieu Riché.
De l’avis de tous les intervenants, l’un des aspects d’une transformation durable le plus difficile à appréhender reste le volet social. C’est un sujet qui ne préoccupe pas encore autant les entreprises que celui du climat, et sur lequel on n’observe pas le même alignement entre investisseurs, entreprises et citoyens. « Contrairement au climat, les entreprises ne sont soumises à aucune incitation sur le sujet », regrette Catherine Puiseux. Et cette situation est d’autant plus regrettable à ses yeux, qu’au-delà du potentiel impact social de la transition écologique, cela laisse sous le radar « l’effet de levier hyperpuissant que constitue pour une entreprise la diversité de son corps social, synonyme d’une plus large palette de visions du monde. »
Matthieu Riché témoigne lui aussi de l’efficacité de l’outil du dialogue social au sein de l’entreprise. Il évoque ainsi les réseaux de collaborateurs engagés qui se sont créés sur le modèle des réseaux mixité ou encore le rôle des CSE (Comités sociaux et économiques), ces instances représentatives du personnel dont la loi « Climat et résilience » a étendu les compétences aux conséquences environnementales des décisions et activités de l’entreprise. « Pouvoir parler de ces sujets dans ces instances, en lien avec les préoccupations du terrain, constitue une opportunité formidable. » Par exemple, le gaspillage alimentaire pour les salariés des magasins Casino.
Catherine Puiseux regrette pour sa part que dans un contexte d’inflation, tant que l’on oppose l’environnement et le social, aucune organisation ne puisse réellement s’employer à se transformer. Elle reconnaît par ailleurs que la transition des emplois et des compétences ne se fait réellement que dans les trop rares secteurs où les syndicats se sont emparés du sujet, comme dans l’automobile.
Au-delà du dialogue social au sein de l’entreprise, un besoin d’échanges plus nourris et plus diversifiés est nécessaire pour opérer une transformation durable. D’une part, rappelle David Laurent, les échanges entre l’entreprise et ses parties prenantes (pouvoirs publics, consommateurs ou usagers, citoyens…), y compris à une échelle très locale (riverains, autorités locales, etc.). Mais aussi, notamment pour les petites structures, ceux entre pairs, par exemple au sein de réseaux locaux de dirigeants ou de l’Alliance Pacte PME, qui rassemble quelque 3500 entreprises.
Dans ce contexte, l’entrée en vigueur de la CSRD, le 1er janvier 2024, rallie les suffrages et nourrit l’espoir. « Elle fait la synthèse de tous les sujets », veut croire Matthieu Riché. « C’est une formidable opportunité de repenser la façon dont ils sont traités », renchérit Émilie Alberola. Saluant « une vision européenne pionnière et unique au monde », elle estime qu’il est raisonnable d’espérer que « cette réglementation puisse ouvrir une transformation profonde du monde de l’entreprise, à condition de réussir à démontrer la valeur de la double matérialité pour la sphère économique. » Et, comme le souligne Matthieu Riché, « en évitant de ne parler que de reporting au lieu de parler de transformation. » Pour que ce soit « un enjeu de compliance et au-delà », un « outil qui aide à embarquer toutes les directions de l’entreprise », il estime qu’il existe « de gros enjeux en matière de formation » et notamment, un besoin criant de formations pointues.
Stratégie Climat : un point d’entrée étroitement imbriqué aux autres volets d’une transformation durable
Sujet aujourd’hui le plus mature, le climat constitue un point d’entrée idéal dans la stratégie de transformation d’une entreprise. Mais il est étroitement imbriqué aux autres volets d’une transformation durable, environnementaux mais aussi, sociaux, alors que ces derniers demeurent encore les parents pauvres des réflexions en cours. Au-delà de ses salariés, pour enclencher sa transformation durable sur de bonnes bases, l’entreprise doit dialoguer avec l’ensemble de ses parties prenantes, y compris ses pairs, à toutes les échelles, notamment locale.
Des enjeux majeurs sont associés à la CSRD, qu’ il est essentiel de ne pas voir comme un simple outil de reporting mais une opportunité idéale pour l’entreprise, de structurer sa transformation.