Quelles compétences professionnelles à l’heure de la sobriété ?
Tour d’horizon des fonctions achat, ingénieur, communication et marketing

La sobriété invite les entreprises à fonctionner avec un usage restreint de certaines ressources naturelles ce qui nécessite un effort de formation

À propos de cette table ronde

Compétences Futures : Naviguer dans l’Ère de la Sobriété Professionnelle

Dans un monde où la sobriété professionnelle devient une nécessité, cette table ronde explore comment les métiers doivent évoluer face à la réduction des ressources. En abordant les fonctions de l’achat à l’ingénierie, en passant par la communication-marketing, les professionnels discutent des défis et des compétences pour la sobriété professionnelle nécessaires pour prospérer. Les échanges mettent en lumière l’impact de la sobriété dans divers domaines, les ajustements requis, et envisagent des perspectives d’avenir pour remodeler les organisations. Une plongée dans le futur du travail, où l’anticipation et l’adaptabilité sont clés.

(Re)Vivez la table ronde “Quelles compétences à l’heure de la sobriété ?”

[Article] L’impératif de sobriété implique une nécessaire évolution culturelle et un effort de formation

Sommaire

Partagez cet article !

Les intervenants de cette table ronde

Frédérique Lellouche, experte en droits de l'homme, transition écologique et justice sociale, dirige le Comité 21 et plaide pour une transformation écologique collective.

Frédérique Lellouche
Directrice chez Comité 21

Marie-Claire Nicot, directrice du développement chez BuyYourWay, est spécialisée dans l'approvisionnement durable et la gestion de l'ESR, améliorant ainsi les chaînes d'approvisionnement responsables.

Marie-Claire Nicot
Directrice du Développement et Associée chez BuyYourWay

Muriel Hayat-Bourdoncle, Directrice adjointe de la RSE chez Publicis France, coach certifiée, et avocate des pratiques et du développement durable en entreprise

Muriel Hayat-Bourdoncle
Directrice Adjointe RSE chez Publicis France

Olivia Martin, associée chez Mews Partners, est spécialisée dans la gestion du cycle de vie des produits (PLM), la performance environnementale et la gestion du changement, et soutient les industries mondiales.

Olivia Martin
Associée chez Mews Partners

Retour Sur Cette Table Ronde

Par Dominique Pialot

Aborder la sobriété au sein de chaque fonction de l’entreprise

Tabou jusqu’à une période récente, encore difficilement audible au sein de certaines entreprises, le concept de sobriété creuse pourtant son sillon. Si sa définition alimente les débats, il devient de plus en plus évident qu’une ré-évaluation de nos besoins s’impose pour rester dans des limites supportables, aussi bien sur le plan environnemental que social.
C’est de ces sujets qu’ont débattu Muriel Hayat, directrice adjointe de la RSE chez Publicis ; Frédérique Lellouche, directrice du Comité 21 ; Olivia Martin, manager au sein du cabinet de conseil en management Mews Partners et Marie-Claire Nicot, associée du cabinet de conseil en achats responsables Buy your way, lors des Journées Portes Ouvertes EcoLearn 2024.

Depuis quelques mois, la sobriété sort du petit cercle d’experts de la consommation responsable et d’économistes engagés pour s’imposer peu à peu dans les rapports de think-tank de tous poils, et même dans certaines politiques publiques.
Le Comité 21 y a d’ailleurs consacré plusieurs études, la présentant comme « le fil vert de la transformation », et explorant les formes qu’elle prend dans divers univers, que ce soit la jeunesse ou les collectivités. Jugeant cette notion « transformatrice », et « ayant le potentiel de faire consensus » notamment parce qu’elle « dépasse le débat sur la croissance et la décroissance », Frédérique Lellouche, sa directrice, le reconnaît : « Ce n’est pas un sujet évident en entreprise ». Pour Marie-Claire Nicot, de Buy Your Way, le terme de sobriété renvoie à la notion de « juste besoin » et repose essentiellement sur du bon sens ; pour Olivia Martin, de Mews Partners, qui cite en exemple les systèmes d’information, l’équipement exhaustif de tout un chacun et la rotation rapide des matériels, être sobre implique de « requestionner les usages ». Muriel Hayat, de Publicis, préfère l’anglo-saxon sufficiency, qui « passe mieux » que le français sobriété, très restrictif à ses yeux. Elle rappelle que pour une agence de publicité, un secteur montré du doigt et accusé d’entretenir la culture de la (sur)-consommation « l’enjeu est de donner envie, non seulement au consommateur final, mais aussi aux créatifs en interne ».

Changer de regard au sein de nos métiers

« Ceux qui sont formés ont envie de mettre leurs compétences au service d’une communication plus raisonnée », témoigne-t-elle. Dans la publicité, pratiquer son métier plus sobrement, c’est notamment se demander « Sur quoi je communique ? Quels produits je mets en avant ? Sur quels supports ? ; Quel message je veux transmettre ? ». « Sans greenwashing, évidemment, mais en s’appuyant sur quels nouveaux récits ? », s’interroge Muriel Hayat. Autant de questionnements qui appellent une formation à la communication responsable.
Au cœur du réacteur pour inventer de nouveaux imaginaires collectifs indispensables à un changement de regard sur la consommation, la possession, etc., les agences de communication ne sont pas les seules concernées. En matière de R&D aussi, les chefs de projets, ou, dans la construction, les architectes, « doivent être capables d’appréhender cette nouvelle dimension environnementale, qui ne doit pas rester un sujet maîtrisé par les seuls experts d’analyse de cycle de vie ! » souligne Olivia Martin.

Faire évoluer les pratiques, voire même le modèle économique

Marie-Claire Nicot fait le même constat pour les acheteurs. « À l’interface de tous les métiers, ils disposent d’un pouvoir d’influence considérable. » On estime en effet que l’action d’un seul acheteur équivaut en moyenne à celle de 750 ménages ou 1600 personnes, « Ce qui leur donne le même pouvoir que le maire d’un petit village », résume-t-elle. Les acheteurs responsables devront « ré-orienter leur portefeuille, le cas échéant suspendre des approvisionnements (de certains produits, en provenance de certains pays ou de certains fournisseurs) ». Ce changement de pratiques incite à questionner jusqu’au modèle économique même de l’entreprise.
Même constat chez Publicis, où la formation est la première étape de la transformation, avant la fixation d’objectifs, la mise en œuvre dans les process et la mesure des résultats. Un cycle qui doit favoriser l’enclenchement d’une boucle vertueuse – « favorisée par l’accès à de la formation continue », souligne Muriel Hayat. De quoi « fournir les outils permettant de relire un script avec les lunettes de la sobriété », cite Muriel Hayat en exemple. « Ou renoncer à retourner une séquence d’un film publicitaire, ce qui va à l’encontre de notre intérêt commercial à court terme. »

Former au-delà des fonctions directement concernées

« Il ne faut pas que la sobriété demeure un sujet d’expertise porté par un seul département, mais au contraire, que cela devienne un sujet stratégique », estime Frédérique Lellouche.
Ainsi, chez Publicis, au-delà des créatifs directement concernés, « tous doivent être formés pour être capables de parler le même langage », reconnaît Muriel Hayat.
Pour Marie-Claire Nicot, les acheteurs ne pourront faire évoluer leurs pratiques que si « Leurs managers, mais aussi le service qualité ou l’audit interne sont formés eux aussi. » Sans oublier d’embarquer les commerciaux, « qui doivent savoir valoriser les pratiques responsables et reçoivent le feed-back, très précieux, du client final »
« Tous les métiers, dans le génie mécanique, les procédés, etc., ont besoin d’un vernis global, aussi indispensable que l’est, par exemple, l’anglais », renchérit Olivia Martin. Pour que le concept puisse se diffuser dans toute l’entreprise, il importe de « casser les silos ». Par exemple, « impliquer la maintenance en amont, dès la conception, comme SNCF Réseau commence à le faire en intégrant les fonctions ingénierie, conception et maintenance. »

Consacrer du temps aux échanges et à l’ouverture

Les intervenantes sont unanimes : la capacité de l’entreprise à dégager du temps pour ces sujets est essentielle. Que ce soit pour « collaborer entre différents services » (Marie-Claire Nicot) ; pour « dédier un espace à la réflexion sur la durabilité en veillant à ne pas saturer la bande passante avec des sujets de compliance » (Frédérique Lellouche) ; « découvrir ce qui se fait dans d’autres pays ou d’autres secteurs » (Muriel Hayat). Cette ouverture, qui pour Frédérique Lellouche, passe aussi par le dialogue avec les parties prenantes extérieures, est essentielle pour changer de perspective. « Il faut expérimenter des terrains moins connus, accepter de moins maîtriser », conclut-elle.

La sobriété, un défi collectif

Si la sobriété semble aller à l’encontre des modèles économiques actuels, certaines entreprises expérimentent des pistes qui s’en approchent. Plusieurs d’entre elles ont été citées lors de ces échanges. C’est Mustela, qui cesse de commercialiser des lingettes jetables ; c’est FNAC-DARTY, qui incite à la réparation plutôt qu’à l’achat de produits neufs, tout en sécurisant des revenus à long terme grâce aux abonnements vendus ; c’est Renault plug-in, qui invente le « Uber de la recharge électrique » en mettant en relation des conducteurs de voitures électriques et des habitants disposant d’une prise ad-hoc ; c’est Décathlon, qui propose à la location des équipements utilisés peu de jours dans l’année (vêtements de ski par exemple).

Ces exemples montrent que sobriété peut rimer avec prospérité. À condition d’embarquer toute l’entreprise et son éco-sytème dans l’aventure. Un défi qui implique de faire comprendre et accepter les enjeux par tous, au travers de formations adaptées aux différents métiers, de collaboration et de dialogue aussi bien en interne entre services et fonctions qu’à l’extérieur de l’entreprise.

Pour aller plus loin …

La communication peut être et doit être un levier important de la transition écologique et sociétale. Pour aider les communicants à se former à la Communication Responsable, Publicis France a créé un programme exclusif : Trans(formation) Communication Responsable.

Plus de 3500 personnes ont déjà suivi le E-learning ! Il se compose de 8 modules, de 20 minutes chacun, couvrant tous les métiers : Création du message – incluant lutte contre le Greenwashing – Production, Influence, Événementiel, Digital, Media et Data. Chaque module met à disposition des fiches pratiques téléchargeables pour passer à l’action. Un volet atelier en présentiel peut compléter le dispositif.

Vous souhaitez en savoir plus ? Consultez la brochure ici ou écrivez à : nibi@publicis.com